- FORÊTS
- FORÊTSLa forêt est une formation végétale dans laquelle les arbres prédominent au point de modifier les conditions écologiques régnant au sol. Elle est dite dense ou fermée si les arbres (ou mieux la projection des cimes sur le sol) sont jointifs ou occupent plus des deux tiers de la surface; claire ou ouverte si les arbres occupent entre deux tiers et un quart de la surface. Les autres formations végétales sont par définition exclues des forêts.Cette communauté d’êtres vivants remarquablement diversifiés possède une structure et une organisation complexes. Sa structure, sa flore, ses limites dépendent du climat, du sol, de l’action humaine comme de la latitude et de l’altitude; les formations caractéristiques qui en résultent s’organisent en strates plus ou moins nombreuses, possédant chacune ses caractères biologiques, ses variations annuelles, ses commensaux [cf. BIOCÉNOSES].La forêt n’est pas immuable: elle change, évolue; cette évolution tend, par des stades successifs, vers une formation stable, le climax; à cette évolution progressive, souvent cyclique, s’oppose une évolution régressive qui conduit à la dégradation des forêts et à l’installation de landes, de savanes, de garrigues...De tout temps, la forêt a été associée à la progression de l’humanité. Celle-ci y a trouvé le combustible et le matériau de construction, les fruits et le gibier, l’abri. Toutefois, seule la sylve tropicale constitue l’habitat permanent de certains groupes ethniques: Pygmées en Afrique, Indiens en Amazonie; en revanche, à la différence des Indiens, les Esquimaux vivent exclusivement en dehors (au nord) de la grande forêt boréale des conifères.La forêt couvre à peu près 31 p. 100 des terres émergées. Trop souvent attaquée sans discernement, dégradée ou détruite, remplacée sur d’immenses étendues par des formations secondaires, elle doit être protégée et, quand cela est possible, reconstituée. En dehors de son intérêt économique, elle joue un rôle capital dans la protection des sols, le maintien de l’oxygénation de l’atmosphère, la régulation de la pluviosité, le freinage des vents, la fixation des poussières, l’équilibre psychique de l’homme. Dans les régions à forte densité de population, sa conservation est souvent accompagnée de transformations visant à une augmentation du rendement (c’est le cas de la monoculture de résineux qui substitue ceux-ci aux feuillus). Cette pratique comporte des risques importants: bouleversement du milieu biologique, avec disparition des poissons dans les rivières forestières; modifications parfois irréversibles des sols (podzolisation); danger d’extension massive des parasites et des incendies. Entre les parcelles enrésinées dont la végétation tend à s’appauvrir et à s’uniformiser, il est nécessaire de conserver largement les divers types de groupements forestiers naturels. Intégrant tous les facteurs du milieu, ces groupements, et particulièrement leur strate basse, fournissent de précieux indices sur le potentiel de productivité de la station ou de la région, dont ils sont pour ainsi dire les réactifs essentiels.1. Structure de la forêtStratificationLes organes aériens et souterrains des végétaux forestiers présentent le maximum d’expansion à des niveaux déterminés, superposés, dont chacun constitue une strate de végétation.La chênaie silicicoleLa chênaie silicicole (par exemple celle des environs de Paris) présente une stratification particulièrement nette (fig. 1):– la strate arborescente supérieure (de 20 à 30 m de haut) est formée par la couronne des «arbres de première grandeur» (chênes et parfois hêtres); leurs troncs rectilignes forment la futaie ;– la strate arborescente inférieure (de 7 à 15 m) est constituée à la fois des jeunes sujets des espèces précédentes (baliveaux), parfois de leurs rejets de souche (taillis), et par des «arbres de seconde grandeur» (Sorbus aucuparia ...) en proportion variable;– la strate arbustive (entre 1 m et 7 m) comprend des baliveaux (les jeunes hêtres peuvent abonder), des arbustes (néflier, bourdaine...), une liane (Lonicera periclymenum ) qui peut atteindre la strate précédente;– la strate sous-ligneuse et herbacée haute (Calluna , Pteris , Teucrium , scorodonia ...) comporte des jeunes sujets ligneux;– la strate herbacée basse, constituée de graminées en touffe (Festuca capillata , Deschampsia flexuosa ...) d’herbes rampantes (Veronica officinalis ) et mêlée de germinations d’arbres, surmonte la strate cryptogamique (mousses: Polytrichum , Dicranum ..., lichens, champignons) ou la litière de feuilles mortes, souvent en mosaïque avec les strates précédentes.Une stratification semblable s’observe dans les appareils souterrains , racines et rhizomes, qui exploitent les divers niveaux du sol ; généralement, les espèces herbacées ont un enracinement superficiel, mais des arbres de mêmes dimensions peuvent avoir des enracinements inégaux: très profond pour le châtaignier, relativement superficiel pour le hêtre.Le sol forestier comporte également une importante rhizosphère (mycéliums, bactéries), dont la nature et l’activité, fonctions elles-mêmes des conditions écologiques, du traitement forestier et de la nature du couvert, jouent un rôle essentiel dans la productivité forestière (association mycorrhyziennes, nitrification...).La forêt dense équatorialeDans la masse exubérante de la forêt dense équatoriale (fig. 2), amazonienne ou congolaise, les strates apparaissent avec beaucoup moins de netteté et chacune présente une plus grande complexité:– les strates arborescentes comprennent très souvent une strate supérieure de «géants» dispersés (hauts de 40 à 50 m, rarement plus), une strate moyenne presque continue (entre 30 et 40 m), une strate plus basse d’arbres plus petits (de 15 à 25 m), parfois très dense; dans toutes ces strates, les arbres sont entremêlés de lianes, souvent gigantesques (de 100 à 200 m de long, 20 cm de diamètre) et leurs hautes branches sont garnies d’épiphytes: fougères (Platycerium ), Orchidées et (en Amérique) Broméliacées qui les recouvrent parfois presque entièrement et dont certaines (figuiers-étrangleurs) peuvent étouffer l’arbre support;– les jeunes arbres et buissons forment une strate arbustive très variable, parfois dense et presque impénétrable;– la strate herbacée, raréfiée par la demi-obscurité, renferme des sélaginelles et fougères, ainsi que quelques phanérogames à larges feuilles, comme les bégonias; des espèces parasites, sans chlorophylle, se fixent sur les basses tiges ou sur les racines qui serpentent à la surface du sol;– la strate cryptogamique est surtout formée de champignons qui exploitent l’abondante litière de feuilles et de bois morts;– l’enracinement de cette forêt est très peu profond, et les grands arbres sont fréquemment abattus par les tornades, malgré les contreforts épais qui renforcent leur base. Ainsi donc la stratification forestière non seulement est responsable de la physionomie particulière des divers types forestiers, mais détermine toute la biologie forestière. Les interactions, souvent complexes, entre les strates déterminent à la fois leur développement relatif et la nature des végétaux qui les constituent. Le renouvellement des espèces arborescentes, c’est-à-dire l’avenir du peuplement forestier, dépend du résultat de ces interactions.PériodicitéÉcran permanent ou temporaire au cours de l’année, la strate arborescente conditionne écologiquement les strates basses et règle leurs variations saisonnières.Les forêts «feuillues» ou, mieux, caducifoliées (arbres à feuillage caduc) présentent les plus fortes variations saisonnières. Il en est ainsi dans la chênaie-charmaie des plaines européennes: avant la feuillaison, le sol reçoit de 50 à 80 p. 100 de la lumière et de l’énergie solaires; dès mars-avril, le réchauffement est suffisant pour permettre la floraison des géophytes prévernaux (Anemone nemorosa , Narcissus pseudo-narcissus , primevères...); fin avril, la poussée du feuillage fait diminuer l’éclairement jusqu’à 5 p. 100 à un mètre de hauteur; alors fleurissent une série de plantes moins exigeantes vis-à-vis de l’intensité lumineuse, mais qui demandent des journées plus longues et une température plus élevée pour accomplir leur cycle végétatif (fougères, Milium effusum , lamier jaune...), tandis que les géophytes prévernaux entrent en repos végétatif et deviennent invisibles; après la poussée fongique de la fin de l’été, suivie par la chute des feuilles, commence une nouvelle période de repos hivernal (quelques espèces comme le coudrier font exception et fleurissent alors), période qui s’achève plus ou moins tôt dès les premières chaleurs marquant l’apparition des géophytes prévernaux.Cette périodicité, qui retentit sur toute la biologie forestière, est déterminée à la fois par la nature de l’essence principale: date de feuillaison, défeuillaison brutale (érables) ou étalée dans le temps (chênes marcescents), et par le climat (à saison froide ou à saison sèche). Ainsi, dans l’Asie des moussons, les forêts de teck (Tectona grandis ) sont dépouillées durant les trois ou quatre mois de saison aride, alors qu’elles conservent leur feuillage sous le climat à pluviosité constante de Java. La sécheresse absolue ou physiologique (hivernale) n’est d’ailleurs pas le seul facteur: la thermopériode et surtout la photopériode ont aussi un rôle important dans la défeuillaison [cf. AUXINES].À l’opposé, dans les forêts à feuillage persistant – de conifères mais aussi d’angiospermes (palmiers, magnolias, divers chênes et, dans l’hémisphère Sud, des Nothofagus ) –, la périodicité de la strate basse peut être limitée aux cryptogames (champignons...).La grande forêt équatoriale est également toujours verte, mais beaucoup d’arbres de l’étage supérieur subissent un dépouillement de courte durée, à un moment quelconque de l’année, et de manière parfois non simultanée chez les individus de même espèce.2. Répartition des grands types forestiersLes limites forestières, tant en latitude qu’en altitude, sont relativement indépendantes de l’essence: ainsi, dans les Alpes internes françaises, les derniers arbres, vers 2 200 à 2 400 m d’altitude, sont indifféremment des mélèzes ou des pins cembros, tandis que, dans les Pyrénées, ce sont les pins à crochets. L’étude de ces limites naturelles permet de déterminer les principaux facteurs de répartition des grands types forestiers: à l’échelle mondiale, ce sont essentiellement les climats; d’autres facteurs écologiques interviennent à l’échelle locale.Répartition à l’échelle mondiale et régionaleZonation des forêts en latitudeÀ l’échelle mondiale, les principales formations forestières naturelles se répartissent en fonction du climat, et notamment de la température et de la pluviosité. Ces facteurs interfèrent: la pluviosité du centre du Bassin parisien (600 mm) n’est suffisante que parce qu’elle est régulière, et surtout parce que les températures modérées n’entraînent pas une trop forte évapotranspiration. De nombreux procédés, chiffrés (indice d’aridité de Martonne; quotient pluviothermique d’Emberger...) ou graphiques (diagrammes ombrothermiques de Gaussen), mettent en lumière ces corrélations.Par exemple, la façade atlantique de l’Amérique du Nord présente, du sud au nord, diverses formations (fig. 3).Du bas Mississippi à la Caroline du Sud, les restes de la forêt naturelle renferment, à côté d’arbres à feuilles caduques, plusieurs essences thermophiles à feuilles persistantes de type «laurier» (magnolias, plusieurs chênes...); cette forêt est dite de type chinois , car elle est comparable par sa richesse et par les genres représentés à celle de la Chine méridionale. Elle correspond en effet à des hivers doux (moyenne de janvier supérieur à 8 0C, celle de l’année supérieure à 20 0C) et à une forte pluviosité (1 500 mm/an), permettant la présence d’épiphytes tropicaux (Tillandsia ).Plus au nord, jusque vers 450 de latitude, la forêt appalachienne est une luxuriante sylve d’arbres à feuilles caduques, comportant de nombreuses espèces (plusieurs chênes, des hickorys, un châtaignier et un hêtre, un tulipier, des érables... parmi les arbres dominants); elle correspond à un climat encore très pluvieux (1 000-1 500 mm/an, parfois davantage) et plus froid (moyenne annuelle entre 20 et 10 0C).Au niveau des Grands Lacs, et jusqu’en Gaspésie, la forêt laurentienne comprend de nombreux feuillus (érable à sucre, chênes, charmes, bouleaux), mais associés à une proportion de plus en plus forte de conifères de grande taille: sapins, épicéas, tsuga du Canada...; la pluviosité reste forte (1 m/an environ), mais le climat nettement plus froid (moyenne annuelle de l’ordre de 5 0C, saison de végétation active de 100 à 150 jours, avec pourtant une moyenne de 16 à 20 0C en juillet).Plus au nord, du Labrador à la baie James et au-delà, la forêt hudsonienne (taïga) est formée de conifères (surtout des épicéas et un sapin producteur du baume du Canada), associés dans les fonds humides à des arbres à feuilles caduques tels que mélèze, tremble, bouleau; d’abord dense, cette forêt devient de plus en plus clairsemée et se localise dans les vallées, les interfluves étant déjà occupés par la toundra, dépourvue d’arbres: cette zone de transition est dite hémiarctique ; l’extinction totale de la forêt se produit dans des conditions qui semblent générales pour tout l’hémisphère Nord: température moyenne annuelle de l’ordre de 漣 5 0C, nombre de jours sans gel inférieur à cinquante (bien que les étés restent relativement chauds; moyenne de 10 0C en juillet). Bien que la pluviosité soit faible (de l’ordre de 500 mm/an), il reste un excès d’eau par suite de l’évaporation médiocre: la température est ici le facteur limitant .Dans les régions beaucoup plus chaudes, le facteur limitant est la pluviosité , insuffisante pour compenser l’évapotranspiration, ou bien répartie sur une trop courte période; dans ces conditions limites, par exemple au Mexique, au nord-est du Brésil, au sud-ouest de Madagascar, végètent des forêts claires aux arbres épineux ou de forme étrange: arbres-bouteilles (Cavanillesia , Brésil), Didiéracées et baobabs (sud de Madagascar...) Cactées du Nouveau-Monde.Étagement des forêts en altitudeLes variations climatiques selon l’altitude présentent des ressemblances, mais aussi de notables différences avec les variations en latitude: sous les tropiques surtout, il en résulte des peuplements montagnards originaux, mais non franchement forestiers; dans les régions non tropicales, au contraire, zonation et étagement donnent lieu respectivement à des variations similaires du manteau forestier.Dans les Pyrénées orientales, les pentes du Canigou présentent, là où la forêt est respectée, une succession nette et relativement simple d’étages forestiers (fig. 4).À la base, l’étage méditerranéen , qui peut d’ailleurs être schématiquement subdivisé en méditerranéen inférieur (forêt de chênes-liège souvent dégradée en maquis), moyen (forêt de chênes verts ou yeuses) et supérieur (forêt de pins laricio de Salzmann); entre 600 m (en pente nord) et 800 m, le chêne pubescent et le châtaignier présentent leur optimum, formant l’étage collinéen ; de 800 à 1 600 m, les pentes nord sont partiellement peuplées d’une sombre forêt de hêtre, de tilleul à grandes feuilles et surtout de sapin: c’est l’étage montagnard , dont l’humidité atmosphérique est révélée par les draperies de lichens (usnées) qui s’accrochent aux basses branches; sur les pentes sud, à la même altitude, une forêt sèche de pin sylvestre se substitue à la précédente; de 1 600 à 2 200 m, la forêt de pin à crochets prend un très grand développement: c’est l’étage subalpin ; au-dessus, les arbres se raréfient très rapidement, et l’étage alpin en est dépourvu.Les limites moyennes données ci-dessus varient évidemment en fonction des conditions locales, et chaque essence forestière peut, par pieds isolés ou par petits peuplements, vivre hors de son étage optimal. Les conditions de vie de chacune, dans une région donnée, sont commodément schématisées par les diagrammes de corrélation de P. Rey.Des étages forestiers comparables se retrouvent dans toutes les montagnes des régions moyennes du globe, avec souvent des différences floristiques importantes en fonction de la dominance de vents humides ou secs: dans les Alpes françaises, aux chaînes subalpines, arrosées, s’opposent les Alpes internes, notamment Briançonnais, Queyras (tabl. 1); au versant oriental de la Sierra Nevada américaine s’oppose le versant occidental arrosé où, à l’étage montagnard, les séquoias forment des peuplements qui prolongent l’étonnante forêt de la chaîne côtière pacifique (fig. 5).Répartition à l’échelle localeEffets de la topographieOutre les influences, déjà signalées, de l’exposition, les conditions topographiques locales peuvent avoir une action originale; en particulier:– des inversions de température peuvent résulter de l’accumulation d’air froid dans les vallées; ainsi, en Savoie, vers 800 à 1 000 m, les versants sud présentent souvent un niveau de chênaie pubescente thermophile au-dessus d’une hêtraie-sapinière franchement montagnarde;– les pelouses pseudo-alpines remplacent la forêt sur les sommets dénudés de nombreuses montagnes ou massifs isolés comme l’Aigoual, le mont Ventoux ou les crêtes du Jura...; ces sommets sont bien au-dessous de la limite supérieure des forêts, et c’est notamment la violence du vent qui empêche la croissance des arbres (dans les exemples cités, ces arbres sont des hêtres rabougris et buissonnants, appartenant à l’étage montagnard);– la forêt hémiarctique se localise dans les talwegs à peine marqués, entre lesquels règne la toundra; elle y trouve un abri, mais aussi un sol plus profond et riche en eau utilisable.Influences édaphiquesL’action du sol s’exerce à l’échelon local, parfois régional et joue un grand rôle dans la productivité forestière: la vitesse de croissance, la résistance aux maladies, la présence même d’une espèce donnée, sous un climat donné, en dépendent (tabl. 2 et 3).La teneur en eau est un facteur important; il existe généralement une végétation particulière au bord des eaux [cf. AULNAIES]; parfois même les forêts y sont localisées (galeries forestières des savanes). En dehors d’autres facteurs limitants, à un gradient de teneur en eau du sol correspond une variation de la végétation.Pour une quantité d’eau suffisante, mais sans excès, la composition ionique est le facteur essentiel de la fertilité du sol. Parmi les indices de cette fertilité, ceux qui sont en rapport avec la nitrification sont les plus importants. Quand celle-ci est faible, le sol présente une forte teneur relative en carbone, s’exprimant par un rapport C/N élevé; cette accumulation de matière organique acide a pour effet d’abaisser le pH; la présence de calcaire dans le sol, favorisant la neutralisation des acides, augmente au contraire l’intensité de la nitrification; elle freine aussi le développement de certaines espèces (pin maritime).Des faits comparables se retrouvent dans le monde entier; ainsi, sur les plateaux brésiliens à pluviosité forte et assez régulière, s’observent sur sol riche en azote et calcium, une forêt mixte dense (mata ); sur sol assez pauvre (moins de N et Ca), une forêt basse à recouvrement supérieur à 50 p. 100 (cerradão ), parsemée de quelques grands arbres du mata ; sur sol très pauvre et dépourvu de Ca, une forêt très claire (recouvrement inférieur à 50 p. 100), basse et buissonnante (cerrado ), passant dans les cas extrêmes à une savane (campo limpo ).La mangrove, forêt basse ou buissonnante, très dense, est une forêt typiquement édaphique; localisée au littoral des mers chaudes (généralement intertropicales), et uniquement dans les estrans et estuaires vaseux, elle présente toujours une zonation parallèle au rivage, fonction de la fréquence de l’immersion par la marée [cf. MANGROVES].Les facteurs biotiquesLes conditions de climat et de sol sont nécessaires mais non suffisantes à l’implantation d’un type forestier défini. Les êtres vivants qui constituent la forêt ou vivent en son sein exercent presque toujours une influence considérable sur le peuplement forestier, et aussi sur son évolution (cf. infra ).Les actions biotiques végétales sont faciles à observer. Dans la futaie de chênes des environs de Paris, par exemple, le sol reçoit au maximum 15 p. 100 de la lumière solaire, éclairement tout juste suffisant pour la croissance des jeunes chênes (essence de lumière) et beaucoup plus favorable aux jeunes hêtres (essence d’ombre): ceux-ci ne tardent pas à devenir envahissants (si les autres conditions écologiques leur conviennent), ce qui assombrit encore le sous-bois; peu à peu, la hêtraie remplace la chênaie, et, dans les réserves de Fontainebleau, par exemple, on voit souvent, au sein de la futaie de hêtres, de très vieux chênes relictuels, témoins de la forêt ancienne.Dans la chênaie humide, les peuplements denses d’une graminée (Molinia coerulea ) peuvent empêcher le renouvellement de tous les arbres, et conduire à une forêt de plus en plus clairsemée; dans la forêt équatoriale, les figuiers étrangleurs éliminent de grands arbres; le polypore amadouvier (Ungulina fomentaria ) envahit et élimine de même hêtres et peupliers.L’action des animaux sauvages est bien connue, notamment par le rôle destructeur qu’ont joué les lapins en Australie; en Europe même, ils exercent (ou exerçaient avant la myxomatose) une action différentielle en détruisant certaines essences, ce qui du même coup favorise les autres; Tilia cordata , Acer pseudo-platanus , Betula verrucosa abondent dans les forêts à lapins. De même, les cerfs et chevreuils rongent préférentiellement les jeunes sapins de Douglas, favorisant la progression des pins qui sont moins recherchés. Ces actions animales dépendent parfois d’autres facteurs écologiques: ainsi, dans les Alpes du Sud, les chenilles processionnaires attaquent d’autant plus les pins sylvestres que ceux-ci sont plus loin de l’étage montagnard. Il est exceptionnel que les attaques d’insectes, ou celles de champignons parasites, même massives, provoquent des déséquilibres importants au sein des forêts «naturelles». Cependant, les hêtraies d’Europe occidentale sont actuellement menacées par les attaques conjuguées d’une cochenille (Cryptococcus fagi ) et d’un champignon (Nectria coccinea ); de même, les ormes européens, notamment au sein des forêts anthropiques (ormaies), meurent massivement sous les coups de la «maladie hollandaise», due à un champignon (Ceratocystis ulmi ) transporté par des scolytes, de même que les pins maritimes des Maures et de l’Esterel ont été presque anéantis par la cochenille Matsucoccus feytaudi .L’action de l’homme (et des animaux domestiques ) est pratiquement inséparable de l’étude de l’évolution forestière (cf. infra , chap. 3). L’homme modifie profondément les forêts, par une exploitation qui, longtemps excessive ou irrationnelle, tend, au moins dans les massifs forestiers suffisamment accessibles, à devenir scientifique: souci de la reconstitution des peuplements, recherche de leur amélioration par le semis et la plantation de sujets sélectionnés ou d’essences exotiques [cf. SYLVICULTURE]. Cette action a cependant pour effet de faire disparaître la forêt primitive: ainsi, la forêt de l’Esterel, initialement dominée par le chêne-liège, a été progressivement envahie par le pin d’Alep, avant d’être partiellement plantée d’Acacia («mimosas») et d’Eucalyptus; de même, la forêt de «type chinois» du sud-est des États-Unis est très souvent remplacée par une pinède à Pinus taeda . Aussi est-il souhaitable que certains peuplements typiques, condamnés à disparaître par suite de leur faible intérêt économique, soient mis en réserve à titre de témoins de la végétation primitive.3. Évolution de la forêt et du milieu forestierÉvolution cyclique naturelleToute trouée dans la forêt dense tend à se combler; cette reconstitution de la forêt par étapes (évolution) est dite cyclique si le peuplement final est indiscernable de l’état initial.Ainsi, dans la hêtraie du Bassin parisien, sur rendzine, on observe à la suite de la chute d’un arbre (chablis, attaque de l’amadouvier...) la succession suivante: dès la seconde année, des plantes herbacées, restées discrètes dans la forêt dense, ou même absentes (à l’état de semences dormantes dans le sol), prolifèrent: ancolie, belladone, Elymus europaeus , fraisiers, Inula conyza ...; cette végétation temporaire, caractéristique, est mêlée à de jeunes hêtres, issus des germinations qui, sous futaie, ne recevaient pas assez de lumière pour poursuivre leur développement (fig. 6). Ceux-ci, durant quelques années, forment un fourré dense et enchevêtré (plusieurs hêtres par mètre carré); le retour à l’état initial se fera par élimination progressive de la plupart des sujets, soit par concurrence intraspécifique naturelle (dans les hêtraies peu accessibles de l’étage montagnard), soit, dans le cas présent, par l’action du forestier qui conserve les meilleurs sujets (cf. chap. 5, Traitement des forêts ).L’évolution cyclique comporte donc deux phases de durée très inégale; la phase de destruction aboutit à un sol nu ou à un peuplement herbacé: évolution régressive ; puis un peuplement forestier se reconstitue progressivement: évolution progressive , ainsi appelée car c’est un phénomène spontané sous les climats autorisant la forêt. Mais ces deux sortes d’évolution ont rarement des modalités aussi simples; en particulier, le retour à l’état initial est assez exceptionnel. Enfin, ces diverses transformations affectent non seulement la végétation elle-même, mais la totalité du milieu naturel, notamment le sol et le microclimat forestier.Évolution progressiveIl s’agit d’un phénomène universel (sous climat forestier), comprenant dans tous les cas des phases presque identiques. Ainsi, les sables siliceux continentaux, secs et nus, se peuplent de façon parallèle dans la région parisienne et à l’est des Grands Lacs canadiens (tabl. 4).L’installation progressive de la forêt provoque, outre l’arrivée d’une faune subordonnée qui participe activement aux cycles nutritifs du milieu, d’importantes modifications écologiques. Le microclimat voit ses écarts thermiques et hygrométriques s’atténuer progressivement. Le substrat s’enrichit en matière organique, elle-même exploitée par une microflore fongique et bactérienne qui agit à son tour sur la fertilité du sol. Dans l’exemple cité, il y a d’abord fixation du sable par la végétation pionnière, puis augmentation de l’acidité et de la fraîcheur relative: dès le stade de la prairie, un sol brun acide succède au régosol initial.Sous l’influence combinée d’un climat pluvieux et d’une végétation particulière (bruyères, pins sylvestres substitués aux chênes...), le sol subit une nouvelle transformation par formation et accumulation d’un humus acide ou mor ; il se transforme en un podzol d’autant plus infertile qu’il est plus épais.Ainsi, la nature du substrat détermine en grande partie, dans une région donnée, le type forestier qui s’y implante; mais la forêt à son tour agit profondément sur le sol.La série évolutive précédente a peuplé un substrat siliceux sec, mais elle aurait pu débuter sur un autre substrat, par exemple calcaire, avec des étapes semblables. Ainsi, les colluvions crayeuses de la vallée de la Seine, après un stade de pelouse dense sur rendzine grise (Mesobrometum ), sont envahies peu à peu de buissons (Cornus ...), puis de chênes pubescents, d’abord discontinus (pré-bois), puis denses; cette chênaie pubescente peut elle-même être progressivement supplantée par la hêtraie calcicole à céphalanthère. Celle-ci croît sur un sol beaucoup plus riche en matière organique: rendzine noire , forestière, parfois même décalcifié en surface (sol brun ) si le climat est très pluvieux.Siliceux ou calcaire, le substrat des séries étudiées ci-dessus était foncièrement caractérisé par la sécheresse; l’évolution de ces séries, ou xérosères , aboutit, à partir de stades initiaux très différents, à des forêts voisines, au moins par leurs arbres dominants. Il est souvent admis qu’une évolution de plus longue durée aboutirait dans les deux cas à un type forestier unique, également à un sol unique, en équilibre avec le climat, lequel joue ainsi le rôle essentiel. Selon cette conception, les séries de végétation débutant par des milieux aquatiques (hydrosères ) pourraient aussi aboutir, par des mécanismes évolutifs convergents, au même type de forêt et de sol. À cette végétation forestière terminale, on a donné le nom de climax . Le climax correspond à la végétation intacte, «primitive», en équilibre, avec le climat; les types forestiers précédemment indiqués à l’échelle mondiale et régionale correspondent aux climax de ces diverses régions.Cependant, l’existence d’un climax unique dans une région à sols variés est actuellement considérée comme une simple possibilité théorique; en admettant même que la végétation «primitive» ne soit pas totalement anéantie et incapable de se reconstituer, il faudrait, pour aboutir à une telle uniformisation, un temps supérieur à la durée des fluctuations climatiques enregistrées au Quaternaire récent. On considère donc comme plus conforme à la réalité l’existence dans une région de plusieurs types de climax: ainsi, dans le nord et le nord-ouest de la France, sur rendzine calcaire, la hêtraie à céphalanthère (Cephalanthero-Fagion ); sur sols bruns peu acides, la hêtraie à aspétule (Asperulo-Fagion ); sur sols très acides, podzoliques, soit la hêtraie à luzule (Luzulo-Fagion ), soit, plus près de Paris, une chênaie sessiliflore à hêtres (Quercion ); il arrive même, dans certaines conditions extrêmes de sol, que la végétation terminale permanente ne soit pas la forêt (cf. infra , Évolution régressive ).Évolution régressiveDans toutes les régions du globe à climats en principe favorables à la forêt, on observe des formations végétales où les arbres sont dispersés ou absents et où prédominent les herbes (prairies, savanes...) ou les buissons (maquis...).L’origine de ces formations peut être indépendante de toute destruction forestière; c’est le cas de certaines savanes sur inselbergs au milieu de la forêt tropicale (sol rocheux), sur sol asphyxiant, inondé ou trop pauvre en éléments nutritifs pour porter des arbres (dans l’État de São Paulo au Brésil); il en est de même des points les plus arrosés de la prairie américaine, notamment dans l’Illinois: il s’agit là d’un climax fossile post-glaciaire que la forêt n’a pas pu encore reconquérir (postclimax ). Mais, sur d’immenses étendues, ces formations résultent d’actions humaines anciennes, et dont la répétition a empêché, parfois d’une manière irréversible, le retour à l’état forestier: ce sont des stades régressifs de l’évolution (fig. 7).Les savanes anthropiques, surtout d’Afrique occidentale et de Madagascar, sont liées à la répétition des feux, souvent en rapport avec la culture itinérante sur brûlis: la plupart des arbres disparaissent, sauf quelques espèces à bois dur; l’humus est détruit, ainsi que les micro-organismes de la rhizosphère (notamment les fixateurs d’azote). Sur ce sol appauvri et soumis à une érosion violente, les cultures deviennent vite impossibles, ainsi que le développement de jeunes arbres, concurrencés d’ailleurs par les plantes résistant au feu (pyrophytes), en particulier une graminée envahissante, l’herbe à paillote (Imperata cylindrica ). La protection contre les incendies montre que ces savanes peuvent se reboiser très lentement, en donnant une forêt secondaire , semblable par sa physionomie, mais en réalité différente de la forêt «primitive». Il importe donc de protéger celle-ci aux rares points où elle subsiste (en Afrique, en Asie notamment), la régression étant irréversible.Sur le pourtour de la Méditerranée, ce sont encore les feux, mais aussi les autres formes de défrichement et le surpâturage (moutons et chèvres) qui ont détruit les forêts de chênes verts, chênes-liège, etc., actuellement remplacées presque partout par la garrigue , formation ouverte et basse, généralement sur calcaire, et le maquis , fourré très dense, rendu impénétrable par le calycotome épineux. L’arrêt des actions régressives anthropiques permet une reconstitution de la forêt, précédée, selon la règle définie ci-dessus, par un stade préclimacique à pin d’Alep, essence de lumière particulièrement vulnérable aux incendies (comme d’ailleurs les garrigues et maquis).En Europe occidentale, la destruction anthropique de la chênaie silicole sur sol podzolique aboutit à une lande à bruyères (Calluna-Erica ); assez souvent, la reconstitution de la forêt est possible, après un stade où domine le bouleau. Mais, sous climat pluvieux, la lande devient pratiquement stable (paraclimax ) et son reboisement est difficile (fig. 8).Les prairies pacagées ou de fauche de la zone tempérée humide, ou des montagnes jusqu’à l’étage subalpin, sont également des stades régressifs artificiellement fixés: abandonnées, elles se reboisent souvent facilement, après des stades buissonnants à aubépines, prunellier et coudrier; ici encore, et particulièrement en plaine, la forêt ne fait retour au climax que lentement, après constitution d’une forêt secondaire (ormaies, chênaies-charmaies et chênaies-frênaies des plaines atlantiques européennes).4. La forêt, écosystèmeLa forêt peut être considérée comme une communauté vivante, constituée par un certain nombre de populations végétales et animales liées par des relations intra- et interspécifiques. Les individus échangent entre eux et avec le milieu extérieur de l’énergie et de la matière; ils entretiennent des processus biologiques cycliques. L’ensemble structuré et fonctionnel constitue un écosystème (fig. 9, 10). Les espèces végétales vertes (arborescentes, arbustives, herbacées) forment une synusie chlorophyllienne, autotrophe, assimilatrice de dioxyde de carbone, édificatrice et productrice de substances organiques à partir des éléments essentiels C, H, N, O, P, S, et de l’énergie radiante présents dans le milieu.En outre, la communauté sylvestre comprend un contingent important, mais peu apparent, de consommateurs de matières végétales (herbivores), tels le gibier et les animaux phytophages (hétérotrophes), ainsi qu’une faune et une flore détriticoles épiphytiques et surtout édaphiques considérables (bioréducteurs, jusqu’à un million d’organismes fauniques au mètre carré).Les processus d’élaboration, de consommation et de destruction de la matière organique se réalisent ainsi à divers niveaux trophiques. Le premier est celui de la photosynthèse (végétaux verts), le second celui des consommateurs de matières végétales vivantes (herbivores) et des bioréducteurs de matières mortes; les carnivores forment le troisième niveau (cf. BIOCÉNOSES, ÉCOLOGIE).Tous les éléments de l’écosystème entretiennent entre eux des réseaux complexes de communication utilisant presque tous les systèmes physiques et chimiques disponibles connus pour la transmission des messages. Chez les animaux, les ondes électromagnétiques visibles, les ondes mécaniques audibles (sons, ultrasons), les macromolécules à grand pouvoir de diffusion dans le milieu (écomones attractives et répulsives, phéromones olfactives) jouent un rôle important [cf. BIOSPHÈRE]. Ces systèmes de communication assurent la régulation des effectifs de populations que relient des chaînes trophiques (appels d’alimentation ou de reproduction) et déterminent de ce fait l’écoulement plus ou moins régulier des flux de matière et d’énergie le long des cheminements alimentaires.Les interactions entre les populations, ainsi qu’entre les individus, sont multiples avec ou sans effets pour les parties. Le plus souvent, il y a compétition, ce qui conduit à l’élimination ou à la subordination de certaines espèces. Les communautés de végétaux pérennes et de grande taille, tolérants vis-à-vis de l’intensité du flux lumineux, ont une très grande potentialité de compétition dans le temps et dans l’espace. Dans un même milieu, elles sont capables d’éliminer et de remplacer des communautés moins aptes à utiliser au maximum l’énergie radiante. Ainsi s’expliquent les séries de succession végétale; par exemple, à la bétulaie succède la chênaie, elle-même faisant place progressivement à la hêtraie (voir aussi tableau 4).La communauté terminale constitue le climax dans lequel s’établit un équilibre d’échanges dans le continuum moléculaire et radiatif, c’est-à-dire la biosphère. Dans un statut d’équilibre touchant l’énergie et la matière, la qualité des constituants, leurs contingents, leurs structures, leurs masses restent stables et relativement constants, de même que leurs échanges. Cela se réalise grâce aux systèmes de communication inter-individus et à la régulation des effectifs de population.Au point de vue thermodynamique, on assimile l’écosystème à un système ouvert à phénomènes irréversibles. Il tend vers un état stationnaire pendant lequel les divers éléments se maintiennent dans un rapport constant à travers le courant continu de matières et le flux d’énergie, même lorsque ces derniers fluctuent. La production d’entropie est toujours positive et elle tend vers un minimum lorsque le système s’approche de l’état stationnaire (théorème de Prigogine; fig. 10).5. Économie forestièreTraitement des forêtsIl n’est point de fonction de l’écosystème sylvestre qui n’intéresse l’homme. La production primaire nette (toutes matières végétales) ainsi que la production secondaire nette (gibier) ont été les plus exploitées. La récolte du bois s’est progressivement accompagnée d’une technique de régénération des arbres qui est devenue la sylviculture ; la chasse a évolué vers la cynégétique.Dans les pays industrialisés, l’homme infléchit certains processus de l’écosystème sylvestre afin d’en tirer le maximum d’avantages; il lui fait donc subir un traitement.Le traitement est l’ensemble des opérations que l’on pratique dans le but d’obtenir de la forêt, de façon soutenue, les services les plus adéquats; production de bois, de gibier, de fruits, protection du sol et des eaux, loisirs, utilités sociales. Le mode de régénération caractérise le régime (taillis, taillis sous futaie, futaie).Le traitement comprend deux séries d’opérations bien distinctes: la régénération (coupes, ensemencement naturel, plantation) et les soins culturaux (dégagement des espèces nobles de la compétition des espèces non économiques, élagages, éclaircies). Parmi ces derniers, l’éclaircie est l’opération la plus importante; elle n’influence pas la production totale, mais modifie favorablement le diamètre des arbres. Elle permet de produire des fûts de grosses dimensions en un temps court. Les éclaircies se font à des intervalles plus ou moins réguliers dans le même peuplement ; c’est la rotation (de 4 à 8 ans, cf. SYLVICULTURE).On distingue ainsi la futaie , régénérée naturellement par les semences ou artificiellement par semis ou plantation; le taillis , qui après coupe se rajeunit naturellement par rejets de souches ou par drageons (chêne, charme, érable, frêne, bouleau); le taillis sous futaie ou taillis composé , qui comprend un taillis surmonté d’une strate arborescente d’espèces nobles (chêne, frêne, hêtre) se régénérant par semences (futaie).Quelle que soit la forme des peuplements – régulière (peuplement équienne) ou irrégulière (peuplement d’âges multiples) –, les arbres se répartissent en classes sociales: dominants, codominants, intermédiaires, dominés. Les peuplements d’âges multiples sont constitués d’arbres d’âges variés, donc de tailles diverses. Les peuplements équiennes sont composés d’individus de même âge; ils sont le plus souvent artificiels et réguliers (plantations d’épicéa, de pin).Dans ces types de peuplement, on distingue le fourré , constitué de jeunes sujets dont les branches voisines se rejoignent et forment massif: le gaulis , constitué de gaules de moins de 10 cm de diamètre à 1,30 m au-dessus du sol; le perchis , composé de perches de plus de 10 cm de diamètre; la futaie , lorsque les arbres ont plus de 20 cm de diamètre et ont à peu près leur forme définitive.La régénération d’une futaie équienne peut se faire au moyen d’une coupe unique (blanc étoc) suivie de plantation, par exemple pour l’épicéa. On peut également procéder à la régénération par la méthode des coupes progressives comportant: une coupe d’ensemencement qui desserre les cimes pour favoriser la fructification; des coupes secondaires qui réduisent le couvert de la futaie au-dessus des jeunes semis et en favorise la croissance; une coupe définitive qui enlève les derniers arbres de la futaie qui ont donné la semence, lorsque toute la surface est régénérée. Cette technique de rajeunissement, qui s’étend sur 20 à 50 ans, convient bien à la sapinière et à la hêtraie.La révolution est le temps écoulé entre la naissance et la coupe des arbres mûrs; elle est d’environ 60 à 100 ans pour l’épicéa, de 150 ans pour le hêtre, de 180 ans et plus pour le chêne.La futaie jardinée est une forêt d’âges multiples présentant des arbres de tous âges et de toutes dimensions confusément mélangés (sapinière des Vosges, pessière du Jura). Elle est irrégulière et particulièrement esthétique. Le traitement consiste à parcourir la surface totale de la forêt et à enlever, çà et là, des sujets exploitables, soit pour éclaircir, soit pour régénérer. La régénération est permanente par petits bouquets. La futaie jardinée normale (en équilibre) comprend une gradation harmonieuse des classes de dimensions.Le traitement du taillis est rudimentaire. On ne pratique généralement pas d’éclaircie. La révolution est de 25 à 40 ans. Dans le taillis sous futaie, le taillis est coupé tous les 25 à 40 ans, à blanc étoc, à l’exception des brins de semence qui sont réservés et constituent les arbres de futaie (chênes, hêtres). À l’heure actuelle, les régimes du taillis et du taillis sous futaie ne répondent pas aux besoins de l’économie contemporaine, qui sont tournés non vers le bois de chauffe (sauf le Tiers Monde), mais vers le bois d’œuvre ou la production du papier.L’aménagement des forêts consiste en la réglementation des opérations culturales et d’exploitation en vue de donner au bénéficiaire un revenu annuel soutenu. En général, la superficie de la propriété forestière est divisée en un certain nombre de coupes (secteurs de forêt). Chaque année, on coupe ou on récolte dans une ou plusieurs coupes selon un plan à long terme (plan d’aménagement, règlement d’exploitation).Production ligneuseEn raison de la longévité des arbres et des arbustes, la masse végétale ou biomasse d’un habitat forestier est élevée; sa valeur fluctue en fonction de son accroissement et des pertes qu’elle subit.Matériel sur piedLa biomasse est modeste dans les forêts claires et sèches d’Afrique à Brachystegia et Isoberlinia (de 10 à 15 m de hauteur), dans la taïga de l’hémisphère Nord. Elle atteint des valeurs plus élevées dans les régions humides tropicales ou tempérées: forêt dense humide guinéo-congolaise ou amazonienne (50 m de hauteur); forêt à Eucalyptus regnans de Tasmanie ou de Victoria (de 80 à 90 m); forêt californienne à Sequoia sempervirens (de 80 à 90 m); forêt pacifico-américaine à Pseudotsuga douglasii (70 m); forêt montagnarde du Jura, des Alpes, de Bohême à Picea excelsa et Abies alba (50 m). Ces forêts géantes ont une biomasse fraîche de 4 000 à 6 000 tonnes à l’hectare. Celle des hêtraies et des chênaies d’Europe est de l’ordre de 500 à 1 000 tonnes [cf. BIOCÉNOSES].En économie forestière, on ne considère que le matériel «fûts sur pieds», soit la partie la plus utile à l’homme. Ce matériel est alors représenté par des valeurs plus modestes évaluées en mètres cubes. Le tableau 5 rassemble quelques données pour des jeunes peuplements créés artificiellement en Europe, où l’on voit que la masse peut approcher 800 m3. Des volumes exceptionnels se trouvent au Japon dans un peuplement de Cryptomeria japonica de 139 ans (2 806 m3), et sur la côte pacifico-américaine dans un massif de douglas de 87 m de hauteur (3 695 m3).Productivité primaire et production de bois utileLes végétaux croissent et se développent en relation avec les processus de photosynthèse; la biomasse n’est donc pas rigoureusement stable. D’une part, elle s’accroît de nouvelles matières sous la forme de tissus et d’organes; d’autre part, elle subit dans le même temps des pertes par mortalité d’organes: les houppiers accroissent leur sommet, mais en même temps perdent des rameaux et des branches à leur base; des arbres naissent, tandis que d’autres dépérissent.La productivité primaire nette, processus cumulatif irréversible, comprend donc, en principe, non seulement la différence des biomasses entre deux temps donnés, gain restant acquis à la structure, mais également la fraction caduque ou prélevée (feuilles, rameaux, individus dépéris, récoltes, consommation par herbivores). La production primaire nette des forêts peut ainsi varier de 4 à 30 tonnes de matières sèches par hectare et par an. Les chênaies d’Europe occidentale produisent environ 12 tonnes (P. Duvigneaud, 1980).L’économie forestière actuelle s’intéresse presque exclusivement à la productivité en bois de fût, soit une petite fraction de la productivité primaire nette (2 tonnes de bois de fût sur 12 tonnes de matières sèches totales).Le tableau 5 donne les productions en bois de fût d’un certain nombre de peuplements équiennes européens. Elles varient de 5 à 14 m3 par hectare et par an. Ce sont les feuillus à bois dense (densité: 0,70) qui produisent le moins de volume, le hêtre se montrant supérieur au chêne. Les résineux à bois dense (pin sylvestre) produisent un volume voisin de celui des feuillus. Par contre, les conifères à bois léger et à fût se prolongeant haut dans le houppier (densité: de 0,45 à 0,50) produisent de 11 à 14 m3. Le douglas, espèce nord-américaine, donne en Europe des productions supérieures aux essences européennes.Tous les peuplements d’une essence donnée ne produisent pas exactement les quantités de bois indiquées dans le tableau 5. La production varie avec les sites et notamment avec la fertilité du sol. C’est la raison pour laquelle on établit des classes décroissantes de productivité. Ainsi, les hêtraies belges se répartissent sur cinq classes (de I à V), lesquelles correspondent à des groupements végétaux déterminés: la hêtraie à aspérule se situe dans la classe I avec un accroissement annuel moyen de 8,8 m3; les hêtraies à myrtille et à Calamagrostis dans les classes IV et V avec un accroissement de 2,8 m3.Richesse forestière du globe et consommation mondiale de boisLe globe, avec 32 p. 100 de terres émergées, porte environ 4 milliards d’hectares de forêts dont approximativement 40 p. 100 sont inexploitées. Une estimation grossière du volume actuel de bois sur pied dans le monde donne le chiffre de 273 milliards de mètres cubes. Une carte de la répartition mondiale des forêts montrerait que les régions de haut développement industriel (Amérique du Nord, Europe, ex-U.R.S.S., Japon) disposent de forêts étendues riches en espèces résineuses et feuillues. Ces forêts sont souvent aménagées, traitées rationnellement et pourvues d’un réseau de voies de communication.Les inventaires forestiers mondiaux organisés par la F.A.O. donnent, pour les forêts actuellement utilisées, un matériel sur pied de l’ordre de 134 milliards de mètres cubes (en moyenne 110 m3 de fûts et de branches par hectare). L’accroissement annuel serait de l’ordre de 2,8 milliards de mètres cubes, moitié feuillus, moitié résineux. L’accroissement brut moyen à l’hectare est de l’ordre de 2,1 m3. Il varie essentiellement avec les zones climatiques et les sols (tabl. 6).Le matériel ligneux sur pied passe de 37 m3/ha dans les forêts méditerranéennes à 257 m3/ha dans les forêts de la côte pacifique de l’Amérique du Nord.La forêt ombrophile tropicale est très peu aménagée. Sa superficie représenterait 850 millions d’hectares et son volume sur pied 125 milliards de mètres cubes de feuillus, soit presque autant que les forêts tempérées de l’hémisphère Nord. La diversité spécifique constitue cependant un obstacle à la commercialisation de ses produits. Dans ce volume global seule une faible fraction d’espèces nobles est actuellement utilisable. On estime que dans les vieilles forêts d’Afrique occidentale le volume sur pied peut aller jusqu’à 300 m3/ha, dont 20 m3 sont commercialisables. En Asie du Sud-Est, la proportion de bois utilisables est plus élevée (de 1/3 à 1/2 du volume total, soit de 200 à 300 m3/ha). Les forêts tropicales humides caducifoliées et les forêts sèches ne portent qu’un faible volume de bois sur pied de petites dimensions; elles couvrent une superficie considérable en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie du Sud-Est.Quant à la consommation mondiale du bois, elle est donnée dans le tableau 7. On voit que la consommation s’est accrue de plus de 30 p. 100 entre 1950 et 1963. C’est le bois destiné à l’industrie de transformation qui est le plus demandé. L’utilisation du bois comme chauffage n’augmente plus guère, bien que la population humaine s’accroisse assez rapidement. Les 1 041 millions de mètres cubes de bois industriels enlevés annuellement durant la période 1960-1962 se répartissent en 648 millions de mètres cubes de grumes (sciages, placages, traverses de chemin de fer), 255 millions de bois à pâte (papier, carton, cellulose) et bois de mine, et 138 millions d’autres bois d’œuvre et d’industrie. On coupe donc environ 2 milliards de mètres cubes par année sur un accroissement de 2,8 milliards.En Europe, la consommation du bois est en constante augmentation, surtout pour les bois de papeterie et pour les panneaux de fibres (tabl. 8, 9). Malgré la production nordique, l’Europe souffre d’un déficit, spécialement dans les pays de la Communauté européenne. La Scandinavie ne peut le compenser (tabl. 9). L’ex-U.R.S.S. peut exporter de grosses masses de bois à condition d’aménager des territoires inexploités, de même le Canada et les pays tropicaux. L’Europe industrialisée a donc grand intérêt à promouvoir la sylviculture et la production ligneuse (tabl. 10).Forêts et sociétéLes sociétés modernes demandent à la forêt d’autres services que la production ligneuse. Dans de nombreuses régions d’Europe occidentale, la densité de population augmente, l’industrialisation se développe; le rapport du nombre des non-agriculteurs (surtout citadins) à celui des agriculteurs tend vers 9; un jour sur trois est destiné aux loisirs, le parc automobile et les déplacements s’accroissent (une auto pour 2 à 5 habitants); la consommation de l’eau devient très élevée (de 4 à 6 fois la consommation de 1970 en l’an 2000); la pollution de l’air est menaçante (plus de 2 millions de tonnes de poussière et de suie par année sur le territoire de l’Allemagne, 60 p. 100 des forêts de Rhénanie-Westphalie altérées par les gaz toxiques); la pollution des eaux courantes s’accroît (un tiers des rivières sont des égouts); presque tous les territoires ont une sonorisation artificielle permanente.Cette situation conduit à envisager l’exploitation de toutes les fonctions de la forêt et à donner à chacune d’elles un degré d’importance variable régionalement selon les activités socio-économiques dominantes. L’aménagement des forêts doit être harmonisé avec l’aménagement du territoire. Il doit tenir compte d’une politique des eaux de surface (régularisation de l’écoulement). La forêt doit jouer un rôle de filtre épurateur d’air dans les secteurs à atmosphère polluée; elle doit être protégée surtout près des cités. Des rideaux-abris doivent être créés dans les plaines cultivées pour absorber la violence des vents. Des épaisseurs feuillées d’une vingtaine de mètres amortissent les bruits. Enfin, il faut prévoir qu’une partie des loisirs se passent dans les cadres sylvestres garants de l’isolement. La forêt reste une source féconde d’éducation scientifique et morale, un modèle d’esthétique, un lieu capable de garantir ou de rendre l’équilibre psychique.Les rapports entre surfaces d’agriculture et de forêts doivent donc être ajustés sur des normes différentes de celles qui caractérisaient la situation vers 1970. Le reboisement est un des problèmes les plus importants relatifs à l’équilibre agro-forestier. Depuis 1947, la France a reboisé, avec l’aide du Fonds forestier national, 2 millions d’hectares.6. Équilibre agro-sylvo-pastoralDans la majorité des régions d’Europe, le paysage résulte de l’action bi- ou trimillénaire des hommes sur une terre d’abord revêtue d’un manteau sylvestre presque continu. L’action profonde a commencé avec l’agriculture sédentaire et la domestication des animaux. Le fer et le feu ont transformé la physionomie, la structure et les fonctions du peuplement naturel.Le jardin, le champ, le pâturage, la forêt, voilà la séquence qui se répète chaque fois que l’on s’éloigne de toute cité. C’est l’hortus , l’ager , le saltus , la silva des provinces romaines (G. Kuhnholtz-Lordat).L’hortus est un espace souvent clos, voisin des bâtiments, servant parfois à parquer temporairement le bétail, mais maintenant surtout voué à la culture potagère. L’ager est toute terre de culture intensive ou extensive, l’espace réservé à la production massive des vivres et des textiles. Le saltus est le lieu de pacage des troupeaux. La silva est la forêt, source de bois de chauffage, de construction et d’industrie. Sa destruction a fourni, dans la majorité des cas, les trois premiers types de territoire (fig. 11).Les limites entre ces formes d’utilisation de l’espace ont varié au cours des temps. Il y a toujours eu des chevauchements temporaires. Un ager abandonné devient rapidement un saltus . Une forêt visitée par le bétail devient de même un saltus boisé. Dans les régions méditerranéennes, il y avait un saltus d’hiver et un saltus d’été, c’est-à-dire une transhumance. Vers la seconde moitié du XXe siècle, les limites mouvantes entre ces affectations se sont stabilisées dans certaines régions, à la suite des progrès des techniques agricoles, et notamment l’utilisation des engrais chimiques. La libération des forêts publiques du droit de pâturage détenu par les habitants riverains s’est faite par le «cantonnement», opération par laquelle on concentre sur une partie de la forêt les droits d’usage en vigueur sur toute l’étendue.L’équilibre agro-sylvo-pastoral concerne à la fois le mode de répartition et les proportions respectives des trois composantes principales: la terre cultivée, le pâturage et pré de fauche, la forêt dans un territoire déterminé. Cet équilibre est important surtout dans les régions à relief accidenté. La forêt doit être défendue pour ses fonctions de protection, particulièrement en montagne. Les alpages au-dessus de la limite supérieure des forêts, les pâturages pour le printemps et l’automne permettent au troupeau de se nourrir à l’extérieur cinq à six mois de l’année. Les cultures et les prés de fauche de vallée fournissent les réserves pour l’hiver.Si la superficie boisée est trop importante, la prospérité de la population est mal assurée. Ainsi au milieu du XIXe siècle, les Alpes occidentales ont été surpeuplées eu égard à leurs ressources: cultures et pâturages ont été étendus, et le déboisement s’est montré néfaste et dangereux (avalanches, inondations). La dégradation de l’économie montagnarde ayant provoqué une chute brutale de la population allant jusqu’à 30 p. 100 dans certains cantons suisses et dans les Alpes françaises. En Autriche, 10 p. 100 de la population vit en montagne sur les deux tiers des terres agricoles utilisables. La mise en valeur est poussée et néanmoins la forêt couvre 44 p. 100 du territoire.Niveaux d’équilibreÀ l’échelle mondiale, il a fallu attendre leXXe siècle pour que les grandes organisations internationales attirent l’attention sur l’importance de la forêt, facteur de prospérité des terres et de protection contre l’érosion (tabl. 11). On voit immédiatement que c’est en Asie, en Afrique et dans les régions pacifiques que les taux de forêts sont les plus faibles. Cela tient d’abord au fait que les climats arides n’autorisent pas l’existence de la forêt en tant que communauté vivante naturelle, mais également à ce que des civilisations humaines ont dégradé des forêts dont l’équilibre était fragile, en particulier dans le nord de l’Afrique, dans certains secteurs du Moyen-Orient et dans la Chine continentale, c’est-à-dire dans des pays de vieille civilisation. Devenus conscients du rôle général des forêts dans les grands équilibres régionaux (cycles biogéochimiques, cycle de l’eau, protection des sols, des cultures et des habitats), de nombreux pays font un vigoureux effort de reboisement (tabl. 12). Ainsi, la république populaire de Chine avait un plan de reboisement de l’ordre de 100 millions d’hectares entre 1956 et 1967. Ce plan, exécuté avec succès, serait probablement l’œuvre de restauration la plus gigantesque en matière de forêts. Mais tous les reboiseurs savent combien il est difficile de reconquérir de vastes aires déboisées de longue date. D’autres pays font un effort considérable pour corriger les déséquilibres, en particulier l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, Israël.À l’échelle du territoire national, la forêt aménagée appartenant à l’État et aux collectivités (provinces, communes, biens ecclésiastiques) constitue l’élément essentiel stabilisé de l’équilibre agro-sylvo-pastoral (fig. 12). Les économies régionales autarciques ont existé jusqu’au moment où se sont développés les moyens de communication. G. Kuhnholtz-Lordat en donne un remarquable exemple dans le «pays de Costière» (département du Gard). Ce territoire offre encore tous les vestiges d’une vie fermée sur elle-même où l’olivier produisait l’huile, le vignoble le vin, la jachère pâturée la viande et le lait, le pin d’Alep le bois... Avec l’accroissement des transports, ce système économique a évolué vers un genre de vie à base d’import-export (orientation, altitude, humidité). Les conditions écologiques et démographiques font varier les rapports des surfaces boisées et cultivées. La tendance générale va vers une augmentation de la forêt avec l’altitude; à altitude égale, c’est la qualité du sol qui détermine son utilisation.Ruptures d’équilibreToute modification de la conjoncture, c’est-à-dire de l’ensemble des éléments qui déterminent la situation économique, peut être à l’origine de ruptures d’équilibre.L’accroissement de l’ager sans une diminution du troupeau, donc du pâturage, fait reculer la forêt convoitée par l’élevage, comme on l’a vu à propos des montagnes d’Europe occidentale.Le libre parcours des troupeaux a longtemps été pratiqué dans toute l’Europe et persiste dans nombre de régions méridionales (touyas du Pays basque, meseta de l’Espagne) où ils ont amenuisé considérablement la surface occupée par la forêt; en effet, c’est vers elle que le pâtre, très souvent, pousse le troupeau, plus encore que vers les champs abandonnés. Plus nuisibles encore sont les feux allumés systématiquement pour améliorer le pâturage boisé. Dans l’Europe moyenne, les opérations de «cantonnement» ont souvent mis un terme au parcours du bétail en forêt. Cependant nombre de massifs boisés portent encore les traces du pacage dans le tapis herbacé.Lorsque le pâturage s’étend au champ cultivé abandonné, ce dernier imprime à la végétation des marques suffisamment caractéristiques pour qu’on puisse reconstituer les fluctuations économiques responsables. C’est le cas du Languedoc viticole où chaque crise sur la vente du vin était précédée par des défrichements et suivie par un embuissonnement.L’essartage est une forme ancienne d’extension de la culture sur la forêt (surtout associée au régime du taillis). L’horizon humique et le tapis herbacé étaient arrachés et incinérés; les cendres étaient épandues sur la surface avant l’emblavage. Cette céréaliculture pouvait durer quatre à cinq ans sur la même parcelle qui devenait parfois accessible au bétail (saltus ). La majorité des forêts de l’Ardenne belge ont été ainsi essartées; le sol comme la végétation en conservent toujours les traces et la fertilité s’en trouve encore affectée. Vers la fin du siècle passé et au début du XXe, de grandes superficies d’essarts et de genêts devenues incultes ont été boisées en épicéa, résineux de meilleur rapport.L’Europe agricole vit présentement une nouvelle évolution de l’équilibre agro-sylvo-pastoral. Les progrès de la production agricole ont comme corollaire une diminution de la main-d’œuvre rurale. Les campagnes perdent leurs populations (de 30 à 40 p. 100 depuis la fin du siècle dernier en France). Ces dernières années, on reboisait en moyenne 1 500 hectares de terres agricoles dans l’Ardenne belge. Néanmoins, en Europe occidentale, la production des produits agricoles dépasse la consommation. L’équilibre agro-sylvo-pastoral doit être réajusté: c’est le but de l’aménagement du territoire rural.Dans les régions planes et vallonnées de l’Europe tempérée où la forêt naturelle est à base d’espèces feuillues, l’enrésinement avec des conifères exotiques à bon rendement est fréquent, en raison de leur utilité et de leur rentabilité supérieures à celles des feuillus, cela à long terme. Cependant, si la demande contemporaine est plus élevée en bois résineux, ne se modifiera-t-elle pas d’ici un siècle ou un demi-siècle, lorsque viendra le moment de récolter? C’est pourquoi certains pensent que, dans cette perspective, cette culture monospécifique est un leurre, les progrès de la technologie des bois feuillus pouvant d’autre part modifier la situation actuelle. L’idéal serait de maintenir un équilibre entre les feuillus et les résineux, équilibre variable avec les conditions écologiques locales.
Encyclopédie Universelle. 2012.